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COMMUNICATION INTERCULTURELLE
La politesse est-elle soluble dans la limonade ?
François BROSSARD, Partenaire Fondateur

Mar 26, 2018 | Culture

Au Canada, un serveur français a été licencié pour s’être montré « malpoli » et « agressif » envers ses collègues, un comportement qu’il impute à sa « culture » française et qu’il devra défendre devant un juge.
Pour anecdotique que cette affaire puisse paraître, elle rappelle bien opportunément à notre bon souvenir quelques questions fondamentales liées à l’identité et à la culture. Entre autres peut-être celle-ci : notre identité est-elle conditionnée par notre culture ?

En d’autres termes, nos cultures (nationales, régionales, religieuses, professionnelles, familiales etc…) sont-elles suffisamment puissantes pour façonner notre « moi » et, partant, notre relation à autrui et au monde ?

Dit comme cela, on serait bien tenté de répondre par l’affirmative, avec quelques raisons. Difficile en effet de contester le caractère éminemment culturel de l’identité.

Doit-on s’arrêter là et considérer que les déterminismes culturels sont indépassables ?

C’est bien dans les liens que nous cultivons avec notre environnement (en adhésion et en opposition) que nous façonnons notre identité. Nos visions du monde et nos interactions avec ce dernier en sont sans conteste les fruits. Et ces fruits sont manifestement différents d’une culture à l’autre. Depuis Edward Hall, toute la littérature interculturelle est d’accord là-dessus.

Notre serveur français vise donc certainement juste lorsqu’il évoque le facteur culturel à l’œuvre dans ses déboires professionnels. Nous n’avons certainement pas les mêmes conceptions de la politesse, du respect, de l’agressivité, etc.

Et de fait, les Français à l’étranger sont souvent perçus comme des personnes aux opinions tranchées frisant (pour le moins) l’arrogance. Inutile de développer, tous ceux qui évoluent en milieu interculturel ont quantité d’anecdotes à raconter sur ce compte.

Yukon, Canada
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Pour autant, doit-on s’arrêter là et considérer que les déterminismes culturels sont indépassables ? La question est loin d’être anodine, car elle alimente nombre de procès en sorcellerie dans lesquels le terme de « discrimination » semble aussi promptement brandi que l’était celui de « blasphème » dans l’Europe du Moyen-Âge… Ces deux mots exhalent d’ailleurs un même parfum d’intimidation qui condamne la plupart des débatteurs, même (et surtout) les mieux intentionnés, au silence aujourd’hui, à l’excommunication (voire au bûcher) hier.

Dans un cas comme dans l’autre, il est en réalité question de l’autonomie du sujet, idée maîtresse de la philosophe occidentale. C’est bien cette autonomie que l’église tentait hier d’entraver et c’est bien encore celle-ci que notre ami serveur (ou son avocat) semble aujourd’hui vouloir minimiser. Mais si la culture devait à ce point déterminer nos comportements et réactions individuels, ce serait reconnaître que nous y sommes totalement soumis et liquider toute possibilité de l’agir.

Exit donc notre capacité d’action, d’adaptation, de négociation (dont la politesse est l’une des plus fines lames), et finalement, adieu liberté chérie…

Cette conception essentialiste de la culture est malheureusement très répandue. Combien de fatalistes « c’est dans leur culture » entendons-nous au quotidien ? Là encore, il ne s’agit pas de nier les traits ou caractéristiques culturels, parfois si utiles dans notre approche de l’altérité. Mais ils ne doivent pas nous autoriser à ignorer la réalité infiniment plus complexe de l’Autre, tout comme ils ne peuvent servir, comme dans le cas présent, de commode paravent.

Et puis enfin, si c’est réellement « la faute à la culture », alors c’est plutôt contre elle qu’il faut ici porter plainte !

Quant à juger des « standards élevés » de l’industrie hôtelière française comparativement à ceux en vigueur outre-Atlantique, c’est un autre débat…

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