COMMUNICATION INTERCULTURELLE
L’école et l’entreprise ou l’interculturel entre deux mondes
François BROSSARD, Partenaire Fondateur
Ce n’est même plus une évidence, c’est une résignation que l’on tait pudiquement.
En France, l’école et l’entreprise ne parlent pas la même langue.
En dépit de bonnes volontés et des multiples talents, de part et d’autre, préjugés et suspicions continuent de hanter les esprits freinant toute réelle coopération entre les deux mondes.
Aux yeux du « professionnel », l’école serait un univers clos dominé par les corporatismes de tout poil, incapable de préparer nos jeunes au marché du travail, ses savoir-faire et ses attitudes.
Dans ceux du « pédagogue », l’entreprise serait synonyme de marché, d’aliénation et d’inhumaine concurrence. C’est donc « chacun chez soi » et « chacun pour soi ». C’est un fait entendu, fermez le ban.
Et pourtant, les deux mondes habitent toujours (et toujours plus chaque jour) la même planète. Cette planète n’est plus bien sûr le Global Village (cher à feu Marshall McLuhan qui avait annoncé Internet avec 30 ans d’avance…) mais un Global Neighbourhood. Pas tant celui des smartphones et réseaux sociaux, désormais bien installés dans notre intimité, mais bien la rencontre permanente et quotidienne de codes et comportements culturels différents.
Cette perception des différences culturelles est aujourd’hui omniprésente dans les discours et plus encore dans les têtes. Quoi que l’on en pense, cela représente certainement un progrès dans un pays nourri au sein de l’égalité assimilationniste et qui n’a longtemps voulu voir que des Républicains… Cependant, le « bienveillant » aveuglement qui a longtemps prévalu aura rendu nombre d’entre nous incapables d’appréhender réellement l’altérité, l’épiphanie d’autrui comme disait Lévinas.
L’apparition de l’Autre, du culturellement différent, sera souvent vécue sur le mode anxiogène, non pas tant parce qu’Il bouscule nos représentations et valeurs, dont nous doutons aujourd’hui qu’elles soient nécessairement universelles (sic), mais parce qu’il nous manquera tout simplement les savoirs-être nous permettant d’aller à Sa rencontre et d’échanger avec Lui.
Crédit photo :
www.pixabay.com
J’en reviens à l’entreprise et à l’école qui figurent par excellence les lieux de cette rencontre pas nécessairement désirée, mais s’imposant à chacun au quotidien. Leurs objets sont naturellement différents, mais un souci demeure commun, celui de prévenir les tensions et de maintenir la cohésion du groupe, qu’il soit équipe ou classe. Pour la première, il s’agira de faire en sorte que le risque culturel (vous avez dit « anxiogène »?) ne nuise pas à la performance économique, pour la seconde, qu’il n’entrave pas le fameux vivre-ensemble.
Sont ainsi visés le petit collectif de l’espace professionnel et le grand collectif de l’espace social, dans une dialectique toujours renouvelée entre le nous et le je, avec – au lointain – l’idéal un pour tous, tous pour un…
Mais la diversification culturelle des nous, réunis dans ces espaces (réels ou virtuels) entraîne mécaniquement un accroissement de la diversité intrinsèque du je, qu’elle soit biologique et/ou spirituelle. La complexité va ainsi croissant, les identités sont de moins en moins « nettes » et la tentation de l’indifférence, du déni, de la défense, voire du « clash » n’est plus loin. L’école et l’entreprise en sont les théâtres privilégiés. Aussi est-il grand temps que les deux mondes unissent leurs forces et, par l’échange de leurs expériences propres, permettent de développer les compétences interculturelles de tous
Car justement, la mondialisation et le caractère profondément transverse de ses modes d’action ont rapproché le cadre et l’enseignant. La verticalité historique des rapports sociaux à l’école et au travail le cède tous les jours un peu plus aux échanges horizontaux. Le cadre et l’enseignant sont aujourd’hui, pour ainsi dire, sommés d’agir en managers interculturels chargés de développer les compétences cognitives, opérationnelles et comportementales des individus et collectifs divers dont ils ont la charge. Les deux partagent dès lors bon nombre de sujets : le développement des capacités et talents, la réussite individuelle et collective, le respect et l’écoute de l’autre, la solidarité, l’équité, la diversité, l’inclusion, la responsabilité sociale, la citoyenneté globale, etc.
Car, il ne faut pas s’y tromper, les stéréotypes présentés au début de cet article n’ont finalement qu’un seul objectif, celui de dédouaner l’un et l’autre monde d’une responsabilité partagée, celle de travailler ensemble au renouvellement d’un modèle de société fondé sur une éthique de l’action individuelle et collective. Pour l’école et l’entreprise, le champ de la communication interculturelle est en cela un enjeu majeur et commun. Mais cela implique avant tout qu’elles dépassent leurs propres représentations et fassent ce pas l’une vers l’autre qui fonde toute relation interculturelle, précisément.
0 commentaires